Consolez-moi, dévoilez-moi, ne me mentez pas.
Épargnez-moi tarots et boules de cristal,
Je saurai le futur quand il sera présent.
Révélez-moi plutôt la forme de mon dos
Tout ce que je ne vois pas, mais qui est moi
Révélez-moi, entre vous et moi, le plus souvent
Sous les oripeaux et les écailles de nos masques
Il n’y a qu’une seule humanité en une seule taille
Consolez-moi, révélez-moi ce qui me travaille
Apocalypsez-moi un peu
Depuis peu je sens des mercenaires s’avancer
Tout grimés de glauque, et d’absinthe moisie
Ils sentent la sueur des corps malades, des sanies
Une cavalerie de frissons et de langue de carton
À leurs cimiers, les masques cornus des savants
Qui pensaient les tenir par le bout de leur nom
Les exorcisaient en conjurant peste et choléra
Puis ils tombaient de Charybde en Scilla et de là
Au cul de basse fosse commune.
Apocalypse pour tous !
Un cavalier vert montre la pointe, l’éclat de ses dents
Dites-moi qui je ne suis pas, s’il est encore temps
Car certains déjà ont gavé leurs placards d’urgence
Pour que ne vienne pas le cavalier noir de la faim
La faim qui tue lentement et sûrement, celle-là
Qui appelle les mercenaires rouges du sang versé
À grand renfort d’écus sonnant le glas des trébuchants,
Ainsi, chaque plus riche vaincra son plus pauvre que soi
Consolez-moi, dévaluez ce qui me travaille
Apocalypsez-moi un peu
Dites-moi si je prendrais l’uniforme, marcherais au pas
Quand viendront les chars blancs pour crier victoire
Templiers à la croix rouge sur le cœur, quand il en reste
Compagnie verte de la sanie, casques rutilants d’ébène
Mercenaires ruisselants de rubis, albâtre des vainqueurs
Si l'envie comme l’eau des pluies inonde mes arcanes
Si la boue des peurs colmate le moindre de mes soupirs
Je ne pourrais que choisir de quel cavalier être le page
Lorsque tout tremble sous les trompettes des prophètes
Qui hurlent par les câbles, les antennes, les paraboles,
Consolez-moi, renforcez-moi contre ce qui me travaille
Apocalypsez-moi au plus vite
Déchirez Calypso, ses flottes et ses voilures, son armada
Tirez le coin du linge pour tamponner mes larmes,
Dévoilez, apocalypsez : c’est l’heure dite de vérité.