Les jours se suivent et ressemblent à la mode.
Noyer en urgence sous un flot d’images et de sons
A remplacé le lent travail d’affinage des souvenirs,
À peler comme des oranges, pour que leur fumet
Monte des peaux posées sur le bord du poêle brûlant,
Le goût d’agrumes entoure peu à peu tous et chacun,
Qui l’aime le garde bien au chaud, dans ses neurones.
Exit la mémoire, voici les saints moteurs de recherches.
Il faut s’en suffire : sauver du pire, savourer le dommage.
Il y avait des mots, même plusieurs pour chaque chose,
Afin de fignoler l’angle d’approche, d’une virgule trancher
Dans le vif du sujet, et laisser monter le ton dans ce blanc
Rythmé avec malice, malaise ou maladresse, même écrit.
Maintenant nous pataugeons dans de petits pathoglyphes
Des sceaux imbéciles : pouce levé, pilule dorée ahurie
Nous portons la marque du troupeau, et seul le silence
Répond à ce qui radote, voici comment on cause en Émogie.
Il faut s’en suffire : sauver du pire, savourer le dommage.
Et il faut que ça suffise : on ne parle pas ici, on expose.
On vit en ligne, comme des avortons cosmonautes reliés
Par leur cordon ombilical à notre navette spatiale terre
Posés comme des lentes dans la chevelure du grand vide.
Prêts à mordre pour devenir Sa Majesté des Poux du Jour.
Ça friture sur la ligne, ça sature les anneaux des câbles
Qu’importe, du moment que s’ajoutent d’autres imagettes
Au revers de nos médailles, comme rosette jadis au veston.
Je vais m’en suffire, crever d’un mot ta solitude, sans dommage.