Te souviens-tu de ce concert, cet unique jour de festival
Tous, tant et tant et plus, piaffant d’ouvrir ce bal
Autant de chacun seul, dans la foule, bougeant les yeux
Comme les pieds, pour y trouver un apte à paraître deux
Pour tourner lentement en public dans un unique linceul.
Qui que tu sois dans ce fatras : « Il n’est pas bon de rester seul ».
Es-tu cette inconnue du Nord-Express revenue du buffet
Tu as rougi en y repensant : il faut épouser jusqu'aux clichés.
La peau se pliera nacrée au rythme des essieux.
Il se peut que là, chacun apprenne qu’un et un font dieu
Le cours des jours n’aura plus cours, les cheveux deviendront vieux
Braise, es-tu dans le plaisir : tu ne pourras pas y rester seule.
À demi rêvant, à demi vendus, à demi présents
Avançant, piétinant, poussant, cherchant une voie,
Qu’y a-t-il au bout de cette Via Dolorosa : des vendeurs
Dans quels temples, venus de quelles faims, soldant quels choix ?
Dans la masse, est-ce toi ou ce que j’aime de moi en toi ?
Serais-tu un miroir tarifé, où nul ne veut rester seul ?
Comment dans cette foule, sous ce ciel, trouver une Suzanne
L’avertir des vieux la regardant descendre au bain,
Sans sombrer dans le rire de ses yeux gourmands
Suzanne rit au bain, et ainsi, un par un, ses amants meurent
Dans l’indifférence des biches, des néons et des vasques.
Belle, tu n’es pas vraiment prévue, et vas : je peux rester seul
D’attendre, j’en rêve de cette reine taillée dans mon plâtre :
Sans aucun marbre ni or, nos habitudes ont peint leurs décors.
Elle sera elle, telle une autre, à la hanche claire, porcelaine
Coupe déchirant l’ombre, la surprise en rai de lumière
Mais bonheur, hier déjà, elle, était là dans mon fade,
Vapeur d’eau dans cette lave, où nous n’avons plus été seuls.