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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 02:35

Accusé Réception Du Camp De NatzweilerStruthof.

 

(© le babel et la Cie du Talon Rouge))

 

 

À quelques minutes du Camp de Natzweiler,

À la porte de l'Hôpital où furent amenées les dépouilles chaudes de 87 hommes,

Ex-Anonymes Matricules Rayures Disparues

Dans la nuit et le brouillard,

 

Bonjour.

Bonjour, Menahem Taffel,

Un des transférés d'Auschwitz pour "expériences" au KL voisin,

 

Bonjour,

Car bientôt

Très bientôt

Il n’en restera

Aucun

Aucun

 

Le silence proposera son manteau

Au gravier, au fer qui grince, au bois qui craque

Tous les survivants auront été rattrapés ;

Tous en leur temps, avalés par la Grande Vorace

Seront ramassés dans des lettres sur un marbre.

 

Je me moque des souvenirs qui traînent après les leçons,

Je veux entrer dans la mémoire, me loger dans l’utérus

Dans la matrice où naissent les souvenirs et les récits

 

Parce que maintenant,

Le gravier veut des pas où crisser :

A qui sera le tour ?

 

Partout la pluie fait des chapelets de rosée

Sur les barbelés noirs et fauves

Un carré, un stade,

Où vingt, vingt-cinq milliers,

Ou plus,

Ont quitté la vie.

 

Ici, la boue chante des accents étouffés

Quand elle descend avec les rigoles

Nées au sommet, où le camp trônait

Là, les arbres ont été nourris à la cendre humaine

Chacun de ces humains au peu à peu qui passait,

Tandis qu’ailleurs des clochers comptaient le temps

 

Chacun de ces humains des deux côtés des barreaux

Chacun

Chacun

Est mort dans la mort

Mort dans la mort de chacune des victimes

 

Chacun de ces humains était un amour pour quelqu'un

Sa photo l’attendant là où les bombes n’étaient pas tombées

Que reste-t-il de ces amours ?

 

Il reste

Nous.

Nous…

 

Il est fini le temps des chrysanthèmes

Nous ne sommes pas plus que des liserons

Pour fleurir encor chaque année, nous montons

à l'assaut des grillages rouillés : golems.

Nous tissons nos fils au-dessus de l’oubli

Sur une mémoire hérissée, accrochés

Nous flottons comme du linge toujours taché

Partout les chapelets de rosée nous prient

Sous la pluie des jours, nous ne pouvons sécher

Nous ne serons plus ni drapeaux ni oriflammes

Tous ces humains sacs de peaux jetés dans les flammes

Nous habitent, nous emportent, nous soulèvent,

Pour fleurir juste un peu plus haut que leurs rêves

Sur la dernière ombre des barbelés rouillés ;

Alors, liserons, à l'assaut des lignes, fleurissons.

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commentaires

L
<br /> <br /> en parlant de travail de mémoire, un livre à mettre entre toutes les petites mains: <br /> <br /> <br /> "Le garçon au pyjama rayé " de John Boyne<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Il y a 50 ans Hannah Arendt arrivait à Jérusalem, ignorant qu'elle allait écrire un opus admirable à tous points de vue…<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> fleurir les cendres<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> un doigt pour un nom, yad va shem'<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=eoeDIkEpxSQ<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Étonnante découverte...<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> <br /> les survivants ont un devoir de mémoire, les survivants des survivants, nous, un travail de mémoire<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> je te l'ai dit en coulisses : nous ne sommes que des liserons fleurissant les barbelés des jours…<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> « Je lui disais mon jeune<br /> arbre<br /> Il était beau comme un pin<br /> La première fois que je le vis<br /> Sa peau était si douce<br /> La première fois que je l'étreignis<br /> et toutes les autres fois<br /> si douce<br /> que d'y penser aujourd'hui<br /> me fait comme<br /> lorsqu'on ne sent plus sa bouche.<br /> Je lui disais mon jeune arbre<br /> lisse et droit<br /> quand je le serrais contre moi<br /> je pensais au vent<br /> à un bouleau ou à un frêne.<br /> Quand il me serrait dans ses bras<br /> je ne pensais plus à rien.<br /> <br /> Qu'il est nu<br /> celui qui part<br /> nu dans ses yeux<br /> nu dans sa chair<br /> celui qui part à la guerre.<br /> <br /> Qu'il est nu<br /> celui qui part<br /> nu dans son cœur<br /> nu dans son corps<br /> celui qui part à la mort.<br /> <br /> Au seuil de la prison<br /> au matin de la séparation<br /> un vingt-et-un mars.<br /> <br /> Il fait le temps des abandons<br /> des bras dénoués<br /> des lèvres sèches.<br /> <br /> Il fait le temps de la saison<br /> du ciel lavé<br /> des jonquilles fraîches.<br /> <br /> Je l'appelais<br /> mon amoureux du mois de mai<br /> des jours qu'il était enfant<br /> heureux tellement<br /> je le laissais<br /> quand personne ne voyait<br /> être<br /> mon amoureux du mois de mai<br /> même en décembre<br /> enfant et tendre.<br /> <br /> Quand nous marchions enlacés<br /> la forêt de notre enfance<br /> nous n'avions plus de souvenirs séparés.<br /> Il embrassait mes doigts<br /> ils avaient froid<br /> il disait les mots que disent les amoureux du mois de mai<br /> j'étais seule à entendre.<br /> On n'écoute pas ces mots-là.<br /> Pourquoi ?<br /> On écoute le cœur qui bat<br /> On croit pouvoir toute la vie les entendre<br /> ces mots-là tendres.<br /> Il y a tant de mois de mai<br /> toute la vie<br /> à deux qui s'aiment.<br /> <br /> Alors<br /> ils l'ont fusillé un mois de mai.<br /> <br /> Je les envie<br /> ceux qui ont donné les leurs<br /> d'un sacrifice consenti.<br /> Moi<br /> je me suis révoltée<br /> à peine si j'ai réussi<br /> à ne pas hurler devant lui.<br /> Il lui fallait tout son courage<br /> et c'était déjà trop<br /> à un jeune homme<br /> de laisser une femme<br /> qui vivrait après lui.<br /> <br /> Je ne l'ai pas donné<br /> la mort l'a arraché de moi<br /> et cette cause<br /> plus forte que mon amour...<br /> Pour cette cause il fallait mourir<br /> pour notre amour<br /> il fallait vivre.<br /> Vous croyez que c'est facile<br /> peut-être<br /> de n'être pas femme et jalouse.<br /> D'une autre<br /> on peut la tuer<br /> d'une idée...<br /> il faut mourir aussi.<br /> Je n'ai pas pu mourir avec lui<br /> et je n'en suis pas morte.<br /> Et elle termine :<br /> J'ai crié jusqu'au matin où on m'a appelée moi-même.<br /> C'était pour lui dire adieu.<br /> <br /> Pour lui dire adieu.<br /> Je lui ai dit<br /> que tu es beau.<br /> Il était beau de sa mort à chaque seconde plus visible.<br /> C'est vrai que cela rend beau<br /> la mort.<br /> Avez-vous remarqué<br /> comme ils sont<br /> les morts ces temps-ci<br /> comme ils sont jeunes et musclés<br /> les cadavres de cette année ?<br /> Elle rajeunit tous les jours<br /> la mort<br /> cette année.<br /> Un petit gars hier<br /> n'avait pas dix-neuf ans.<br /> Je sais bien qu'il n'y a rien comme elle<br /> pour vous embellir un vivant<br /> rendre le visage de l'enfance.<br /> Lui était beau de sa mort<br /> à chaque seconde plus beau<br /> qui allait se poser sur lui<br /> plaquer à son sourire<br /> à ses yeux<br /> à son cœur<br /> à son cœur tout battant<br /> tout vivant.<br /> D'autant plus horrible qu'il était plus beau<br /> d'autant plus horrible qu'ils sont<br /> plus jeunes et plus beaux<br /> tous<br /> couchés côte à côte<br /> beaux pour l'éternité<br /> et fraternels<br /> alignés.<br /> Quand on moissonne l'homme comme l'épi<br /> l'épi en sa saison le grain mûr<br /> l'homme en sa saison<br /> à l'été de la révolte,<br /> quand on couche l'homme comme l'épi<br /> le regard en face de l'acier<br /> poitrine offerte<br /> poitrine crevée<br /> cœur troué<br /> ceux qui avaient choisi.<br /> <br /> C'est ce qui le faisait si beau<br /> d'avoir choisi<br /> choisi sa vie<br /> choisi sa mort<br /> et d'avoir regardé avant. »<br /> <br /> <br />  Charlotte Delbo<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Merci, elle sait de quoi elle parle...<br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> <br /> A LEURS MEMOIRES<br /> <br /> <br /> ...ET QU ON VIVRA PLUS ET A JAMAIS ...LES HORREURS DE L HUMANITE...UN SOUHAIT<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> à et à la mémoire des camps japonais, chinois, soviétiques, ou khmers. À la mémoire des ombres au centre-ville depuis la la Loubianka jusqu'à Raba. À la<br /> mémoire du Rwanda, de Sebrenisza, de Grozny, du Timor et du Darfour. À la mémoire des noms dont nous ignorons tout, parce que demain nous les découvrirons ensanglantés dans nos mouchoirs comme le<br /> rappel soudain d'une tuberculose oubliée le temps d'un été.<br /> <br /> <br /> <br />