Je lègue mon corps, morceaux par morceaux,
À l’indifférence générale.
Mes pages glanées s’offrent aux corbeaux.
Des vendangeurs sur les coteaux
Trient les feuilles et les grappes,
Pour nous porter sous la presse,
Laissant, en guise de vigne,
Des marges, des lettres en plomb :
Il ne reste de l'été que des ceps
Jadis tous neufs sous la frappe,
Avant les grêles et le sécateur,
Et maintenant maladresses,
Incapables d’un seul signe.
Nouvelle, leur nudité raconte
Des livres récoltés en ligne
Avec des mots délaissés
Quand l’encre effleure les yeux.
Nous sommes impressionnés,
Soignés et soudain remisés,
Les branches cornées, affaissées,
Au loin des regards envieux,
Pour laisser notre vin raisonner
Ceux que nos grains vont griser,
Sur les coteaux, leur soir venu.
Je sens bien à quel point je perds de vue
Ma chair rendue à sa vie minérale,
Saison après saison, de plus en plus.