Les pauvres poètes quand vient le mois de Mars
Peuvent toujours s'accrocher pour trouver la rime
À leur table toutes les lettres éparses
Leur brisent les arpions et les métatarses
Elles se pavanent comme de jolies garces
Rares, féminines : pas une ne rime
Plus d'un poète pendant le joli mois de mars
Y a perdu son rabot à mots, sa lime
Sur l'établi, le vers manque de comparse
Les deux ont l'air de rire à cette farce
Qui casse le calcanéum et le tarse
C'est en vain que le poète s'escrime
Il ne lui reste plus guère que le curé d'Ars
Pour chanter mars...
À moins qu'ainsi décillé, il s'en aille
giboulant, déroulé à grandes goulées
sueur et désir perlant dans son foulard
de givre et de rosée, de neige et de mimosa
enlaçant un vers libre,
vert aux épaules blanches découvertes
un gazon taché de fleurs à demi endormies
À moins qu'ainsi congédié, il quitte le boulevard
Des rimes encartées, sages, et proposées
comme les dames en vitrines, les catalogues de jardinages
À moins qu'il ne s'envole au gré de son souffle
frais comme un matin
de mars...