Un silence pesant entoure les morts exécutés par l’armée depuis des mois en Syrie – et même au Liban - sans doute, en douce.
Nous ne pouvons laisser sans voix ces bouches ouvertes, cris sans nom, vies mises en suaires.
Plus que les galipettes d’un nabab à New York, aussi fort qu’à Tripoli, mais dans le même silence que la Malaisie, Rangoon, les tripots des narcos, à quelques heures de Paris… Il y a un tueur en Syrie : et nous devons à ses victimes le service minimum, nos voix…
Je commence, qui le veut y chante aussi le Kaddish, le miserere, le chant des deuils et le cri de la vie, en Syrie…
AUX MORTS DE SYRIE
Il n’y pas loin du rebord de ma fenêtre à l’Espagne
En passant par le Groenland, et les moutons des collines.
Il n’y a pas loin non plus de la coupe aux lèvres,
En passant par la case départ et ses vingt mille dollars
Il n’y pas plus loin des yeux ni du cœur du problème
En passant par la Lorraine, avec mes sabots.
Il n’y a pas vraiment loin de nous, pourtant ça dérive…
Une ruelle garde son ombre jalouse de sa seule richesse
Dans la craie échauffée des grandes artères où la vie coule
Torrents de sueurs affairés à clignoter sur les enseignes
Où de subtils moineaux se faufilent pour leur pitance
Il n’y a pourtant pas loin, du vacarme au silence…
Une ruelle garde son deuil jalouse de sa seule noblesse
Au désert sanglotant sous les balles syriennes, la vie s’écoule
Torrents de terreurs éclipsés des journaux, des antennes
Quelques mots grappillés pour avoir bonne conscience
Il n’y a pas bien loin, de la complicité au silence
Il n’y pas loin du rebord de ma fenêtre à la Syrie
En passant par le Néguev, et les tombes des collines.
Il n’y a pas loin non plus de la coupe aux lèvres,
En passant par la case Damas et des milliers de dollars
Il n’y pas plus loin des yeux ni du cœur du problème
En passant par l’hallali, au son des armes automatiques.
Il n’y a pas vraiment loin de nous, pourtant ça dérive…