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3 mars 2013 7 03 /03 /mars /2013 12:34

(©l e b A b e l, Cie du Talon Rouge)

À quelques minutes du Camp de Natzweiler,

À la porte de l'Hôpital où furent amenées les dépouilles chaudes de 87 hommes,

Ex-Anonymes Matricules Rayures Disparues

Dans la nuit et le brouillard,

 

Bonjour.

Bonjour, Menahem Taffel,

Un des transférés d'Auschwitz pour "expériences" au KL voisin,

 

Bonjour,

Car bientôt

Très bientôt

Il n’en restera

Aucun

Aucun

 

Le silence proposera son manteau

Au gravier, au fer qui grince, au bois qui craque

Tous les survivants auront été rattrapés ;

Tous en leur temps, avalés par la Grande Vorace

Seront ramassés dans des lettres sur un marbre.

 

Je me moque des souvenirs qui traînent après les leçons,

Je veux entrer dans la mémoire, me loger dans l’utérus

Dans la matrice où naissent les souvenirs et les récits

 

Parce que maintenant,

Le gravier veut des pas où crisser :

A qui sera le tour ?

 

Partout la pluie fait des chapelets de rosée

Sur les barbelés noirs et fauves

Un carré, un stade,

Où vingt, vingt-cinq milliers,

Ou plus,

Ont quitté la vie.

 

Ici, la boue chante des accents étouffés

Quand elle descend avec les rigoles

Nées au sommet, où le camp trônait

Là, les arbres ont été nourris à la cendre humaine

Chacun de ces humains au peu à peu qui passait,

Tandis qu’ailleurs des clochers comptaient le temps

 

Chacun de ces humains des deux côtés des barreaux

Chacun

Chacun

Est mort dans la mort

Mort dans la mort de chacune des victimes

 

Chacun de ces humains était un amour pour quelqu'un

Sa photo l’attendant là où les bombes n’étaient pas tombées

Que reste-t-il de ces amours ?

 

Il reste

Nous.

Nous…

 

Il est fini le temps des chrysanthèmes

Nous ne sommes pas plus que des liserons

Pour fleurir encor chaque année, nous montons

à l'assaut des grillages rouillés : golems.

Nous tissons nos fils au-dessus de l’oubli

Sur une mémoire hérissée, accrochés

Nous flottons comme du linge toujours taché

Partout les chapelets de rosée nous prient

Sous la pluie des jours, nous ne pouvons sécher

Nous ne serons plus ni drapeaux ni oriflammes

Tous ces humains sacs de peaux jetés dans les flammes

Nous habitent, nous emportent, nous soulèvent,

Pour fleurir juste un peu plus haut que leurs rêves

Sur la dernière ombre des barbelés rouillés ;

Alors, liserons, à l'assaut des lignes, fleurissons.


 


 

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