J’ai marché au Burkina. J’ai marché au Fasso
J’ai marché au gros rouge. J’ai marché au grand soir
J’ai marché au boléro. J’ai marché au fado
J’ai marché au Jihad. J’ai marché au piccolo
J’ai marché au Paradis. J’ai marché à Denfert-Rocherau
J’ai mal aux pieds, à mes six pieds de long
Aux six pieds sous terre
Au cimier des cimeterres
À la cime des cimetières
Soldat juste assez connu
Pour être un casque de plus
Cible offerte par l’ONU
Bible ouverte et toute nue
Coran jeté en l’air : Dieu décide
Des courants d’air et des déicides…
J’ai mal aux rêves, mal à toi
J’ai mal aux pieds, mal aux doigts
Ses pieds froids au bout du gisant,
Une fiancée me dit : « je t’aime ».
Des livres me disent bien pensant :
Je suis un homme fleuri post-mortem…
J’ai marché au Darfour. J’ai marché à la coco
J’ai marché à l’idéal. J’ai marché au diesel
J’ai marché écolo. J’ai marché sur le ciboulot
J’ai marché dans la rade. J’ai marché au gigolo
J’ai marché en enfer. J’ai marché partout sur la terre
J’ai des cors aux pieds, à force de marcher
Fantassin de l’idéal, troufion des bonheurs
Seconde classe qui amène la vapeur
Tant rêvé debout que je manque de sommeil
Tant crevé debout que je manque de soleil
Mon corps à vos pieds, je ne vais plus marcher
Dans les combines à six coups
Les golfs à dix-huit trous
Les opéras de quat’ sous
Et les « je dirige pour vous »
Mime offert à vos beaux discours
Rime à vos confessions de non-amour
Je suis un homme fleuri post-mortem…
Je ne marche plus… je suis là. Ah tiens, te voilà….
Oui, c’est bien toi : comment tu vas ?
Oui, moi pareil : oui, des fleurs, t’en as aussi…
C’est bien – tu vois — c’est ça – tu sais – non, c’est bien
ne plus marcher dans ce vent, et rester
nous là plantés devant le monument,
le monument à tous ces morts..
C’est si sûr, pour nous, tout le temps, partout
tous les soldats la chair à canon sont trop connus…
Mais voilà, tu te souviens quand ou pas ?
On a suivi un homme… Au pas.
Gandhi, Luther King, dans leurs pas,
Daw Aung San Suu Kyi, dont le nom même est une chanson…
On les suit, on les suit, parce qu’avec eux,
ça ne marche pas, rien ne marche,
Il marquent le pas, mais le pas des portes,
surtout pas des fantassins, des spadassins :
on les suit ces humains fleuris post-mortem…
Nous, maintenant, qu’on ne marche pas
On a un corps avec deux mains au bout
Fantassin de l’amour quand il a deux seins
Tant aimés que le matin nous fait sommeil
Gavés de cosmétiques internes, hors mode,
Tant gravés debout par le canif du réveil
Avec nos corps à leurs pieds, sans avoir à marcher
Un homme vaut plus que six coups
Une tombe, plus qu’un golf à dix-huit trous
Un opéra en chocolat et de la vie dessous
Rien ne nous dirige que l’entre-nous
Frimousse ouverte par les froufrous d’amours
Prima vera vivra pour tous les printemps d’un jour :
Nous sommes des hommes fleuris dans le pré-mortem