Je suis un regardeur de torrent
Ce qu’en disent, en font les gens
Ne me regarde pas, je ne le regarde pas
Tant que ce n’est pas devenu torrent.
Si d’aventure ça devenait torrent
Avec ce qu’on en dit, en fait, ça filerait
Vite avec le ventre des truites en fuite
Loin dans les reflets sur les galets au fond de l’eau.
Je suis un regardeur de torrents
Je gagne du temps à écouter leurs chants
Certains ne voient ni odeurs ni bruits
Ceux-là ont un regard sombre comme nuit.
J’ai dû apprendre à calculer et à nommer
Les grandeurs et les décadences des torrents
À l’école sagement figé sur mon banc
Pour m’en garder au moment de les regarder.
Je suis un regardeur de torrents
J’appelle par son prénom chaque goutte
De la crue qui a emporté champs et routes
Les autres qui en causent ne font que du vent.
Je suis un regardeur de torrents
C’est fou comme cela me prend du temps
Avant de le balancer à contre-courant
Hésitant, titubant et puis s’en allant.