C'est un poème d'anniversaire, il est vrai écrit pour une autre amie, sans laquelle j'aurais moins et moins bien écrit, mais je souhaite qu'il aille à ta taille, comme à beaucoup de femmes… Elle ne m'en voudra pas que la fécondité rayonne.
On dirait l’anniversaire, tu es seule, moi autrement
On dirait notre jour à nous de nous et tout autour :
Qui donc ignore qu’importent peu le jour et l’heure
Quelqu’un frappe à ma porte, geste désuet sonore
Sans savoir pourquoi, je veux bien lui ouvrir
Ensuite tout peut arriver, le meilleur comme le pire…
Des phalènes mourront pour une lueur trop chaude
Écrasées par leur ivresse à l’assaut un gyrophare
Qui hurle nos peines, et nous recherche des routes
De même sont morts les géants de la préhistoire :
Une nuit moins ordinaire s’est éternisée dans son froid
Sur les placides herbivores et les carnivores avides
Plus tard, Monsieur Neandertal lui aussi s’éteindra
Certains se demanderont si Madame Cro-Magnon
N’a pas dévoré son foie : le temps glisse jusqu’à nous
Avec un drap verdâtre qui recouvre un visage.
Dans la pluie une main se pose sur une épaule
Quelque part un amant voudrait prolonger la nuit
Autre main que celle d’un ami, serait-il distant.
C’est ton anniversaire, je suis là comme toi
On a frappé à ma porte, chez toi, tu as ouvert
Même si je sais que tu as le même sang que moi
Même si je coule dans tes veines, tes rides et tout ça
Avec l’obstination de l’eau contre la vitre
Le gyrophare ne serait donc rien qu’une balise
L’annonce une rue inondée de reflets et d’entrechats
Qu’importe s’il pleut, « c’est merveilleux… »
Voici le ciel perdant ses eaux : naissance
Au creux des caniveaux, l’égout vorace boit
Dévore sans manière tout ce qui veut partir
Elle s’en va la terre qui nous a gardés un temps
Terre des phalènes mortes, des papillons épinglés
Des boulimiques à sang froid, des dinosaures déchus
Celle des gyrophares et des civières médico-légales
Elle s’en va cette terre, elle s’en va, la pluie l’emporte :
Sa préhistoire est achevée : place à notre histoire
Une histoire où peu à peu, l’amitié a sa place.
Vois-tu, c’est merveilleux, le jour se lève, nous dormons
Nous nous aimons comme deux odeurs, du bout de nos fadeurs
Tiens, la pluie a cessé, c’est merveilleux encore
C’est notre anniversaire, notre monde reprend corps
Il en est à son an zéro très précisément, l’année impossible
C’est l’an neuf de l’amitié, madame, bon anniversaire…